Pipero Roma – Rome – Italie Note: 15.8
Redécouvrir l'amer
- Luciano Monosilio
Pipero Roma est le type de restaurant qui nécessite un article assez long, vous m’en excuserez j’espère, car il est très intéressant, tant dans le travail que l’état d’esprit du chef Luciano Monosilio. Une vision assez originale, mais confrontée à des contraintes qui obligent à réfléchir.
Pour faire simple, une volonté de travailler des goûts contrastés en se focalisant beaucoup sur l’amer.
Mais commençons par le commencement. On est accueilli dans la rue par une grosse horloge arborant fièrement le nom du restaurant. J’adore ce genre de présentations un peu surranées. Sonnette pour se faire ouvrir la porte, vestibule et accès indirect à la salle.

Pipero Roma Annonce rue
Décor épuré sans grand intérêt, lustres amusants, tableaux pas au centre des murs (mais à ce qu’il parait que c’est une volonté de l’artiste…), rien que de très banal pour le moment.
- Pipero Roma Table
- Pipero Roma Décor décalé!
La carte propose deux menus à 6 ou 10 services, dont on ne sait rien, ou à la carte. Première mise en bouche fumante (fumeuse ?) avec deux grosses et excellentes olives vertes fumées en direct au romarin.

Pipero Roma Amuse-Bouche Olives romarin fumé
Deuxième mise en bouche gustativement assez banale avec une chips de riz soufflé noire et purée de carottes. Joli contraste de couleurs.

Pipero Roma Amuses-bouche
La première entrée est un tartare d’âne et calamar accompagné de 3 (!) haricots et de mousse de haricots. J’en vois d’avance hurler. De l’âne ! Pauv’bête !!! Ayant discuté en cuisine en anglais, j’ai cru au départ qu’ils m’avaient dit “monkey”(singe). Arghh ! Donc j’ai bien fait répéter pour m’éviter une crise cardiaque. Et nous finalisons sur “donkey” (âne).
Au demeurant, viande un peu fade et ferme. Le plat n’était que depuis deux jours sur la carte et manquait vraiment de “peps”. Même le propriétaire du restaurant, Monsieur Pipero, en est convenu. Je pense que les morceaux devraient être hachés plus fin et mériteraient un assaisonnement supplémentaire. Quelques graines de sésame grillées ou une huile de sésame, par exemple ou prendre le risque d’un soja de qualité.
Risque ! Tout est là chez ce chef. Il adore en prendre. Avec des résultats aléatoires… Sur ce premier plat, une grande platitude. La mousse de haricots est bonne mais un peu farineuse.

Pipero Roma Tartare d’âne, mousse haricots
Plat suivant, tartare de canard (là aussi hachage un peu grossier) en sandwich d’une sorte de pain d’épices sec, mayonnaise à la moutarde à l’ancienne et ananas confit. La véritable excitation vient de la petite feuille d’herbe aromatique qui relève véritablement le plat. Regret qu’il n’y en ait que deux alors qu’une par bouchée serait nécessaire.

Pipero Roma Tartare de canard
La suite des opérations : filet de mulet à la cuisson parfaite mais gâchée visuellement par une sauce verte en “splash” (confère photo) et gustativement par une tapenade d’olives noires absolument succulente mais en tros grosse quantité. Elle pulvérise le goût du mulet. Quelques pointes parsemées seraient largement suffisantes.

Pipero Roma Mulet
Enfin le plat équilibré ! L’anguille en feuille de cardes et mousse de cardes et fromage italien. Une merveille.

Pipero Roma Anguille en feuille de cardes
Pour se reposer, un oeuf poché sur purée légère et parsemé de thé noir Lapsang Souchong. Intéressant mais c’est là qu’on se rend compte pourquoi on infuse le thé. Car en poudre brut, c’est assez peu goûteux.

Pipero Roma Oeuf parfait Lapsang Souchong
Qui dit Italie dit pâtes. Qui dit pâtes dit al dente. Et là, les Italiens nous donnent des leçons avec ces tagliatelles cuites presque à sec dans un bouillon réduit de poivrons rouges. Le goût est concentré sans saturer la bouche. C’est tout le soleil de l’Italie en quelques grammes.

Pipero Roma Pâtes poivrons
Mais les Romains nous aussi appris que la roche Tarpéienne est proche du Capitole. Vous avez peur ? Et vous avez raison car notre chef sombre ensuite dans son obsession des goûts contradictoires avec une forte propension à vouloir dominer l’amer. Mais n’est pas Tabarly qui veut.
Les rigatone aux brocolis accompagnés de miettes de saucisses et une mousse de pecorino en est l’aboutissement malheureux. Rigatoni presque crus, viande largement épicées et fromage ne contrebalancent pas efficacement l’amertume de la verdure.

Pipero Roma Brocolis saucisses
Le plat suivant, une variation sur des carbonara, (avec poudre de thé bis), révèle un problème plus pragmatique : après un oeuf, nous en sommes à notre troisième assiette à la suite incluant des pâtes. Sympa mais, même al dente, l’indice glucidique est en train de se propulser à des hauteurs stratosphériques. Une alternance avec l’un des autres plats aurait été bienvenue.

Pipero Roma Carbonara
Reste la viande en dernier, avec une parfaite réduction de fond, clarifiée et concentrée. Et encore un petit coup de Lapsang Souchong! Ouf!

Pipero Roma Viande
Puis les desserts!

Pipero Roma Dessert
Pour conclure, nous avons un chef qui prend énormément de risques dans sa conception des plats.
Cela aboutit parfois à des surprises intéressantes. Mais il est vrai qu’à l’heure où l’industrie alimentaire nous uniformise les goûts, il n’est pas mauvais de se faire titiller les papilles et retravailler des goûts un peu négligés. De toute façon, on ne peut que reconnaître un travail de grande qualité qui a aboutit à l’obtention de cette étoile au Guide Michelin mais un équilibre est nécessaire pour stabiliser le client. Même si nous aimons être surpris, on n’apprécie pas obligatoirement les montagnes russes gustatives.
Cela est aussi problématique sur l’accompagnement liquide. La France n’étant pas le centre du monde vinicole, je me suis laissé porter par les conseils du sommelier. Mais il faut bien reconnaître qu’il a fort à faire avec les envies du chef. Nous avons pu déguster une foule de vins fort intéressants mais dont la cohérence avec les plats n’était pas évidente.
- Pipero Roma Ribolla Gialla
- Pipero Roma Feudo Montoni Vrucara
- Pipero Roma Cascina Feipu dei Massaretti Pigato
- Pipero Roma Cantina Tollo c’Incanta Trebbiano d’Abruzzo
- Pipero Roma Alto Adige Elena Walch Castel Ringberg
- Pipero Roma Amara, Amaro d’oranges rouges
Les petits plus dont nous n’avons pas l’habitude en France : l’accueil avec une coupe de champagne Pommery offerte et la liberté de ne pas prendre le même menu dégustation pour toute la table. Et la cerise sur le gâteau, offrir une dégustation au conjoint qui prend le menu le plus léger afin qu’il ne se retrouve pas trop souvent avec une absence d’assiette. J’appelle cela de l’élégance, ou je ne m’y connais pas.
Menu 6 plats à 110 euros, 10 plats à 140 euros.
- Pipero Roma Carte
- Pipero Roma Carte avec un anglais approximatif…
- Pipero Roma Carte Desserts
- Pipero Roma Carte Ensuite
- Pipero Roma Carte Entrées
- Pipero Roma Menu 140 euros
- Pipero Roma Menu 110 euros
- Pipero Roma Citation
Accompagnement de vins à 60 euros par personne. Addition de 370 euros.

Pipero Roma Addition
Si vous souhaitez découvrir à Rome un autre bon restaurant en opposition totale avec l’état d’esprit de Pipero Roma, allez lire mon article sur Assaje.
Date de la visite: 2017 Septembre
Etoilés Michelin ,Italien ,Pâtes ,Rome

Tel: 00 39 0668139022
Website: http://www.piperoroma.it/en/
Adresse: Corso Vittorio Emanuele II, 250, 00186 Roma RM, Italie