Le lièvre gourmand – 45000 Orléans – France Note: 12,8
11 euros le tapas, ça tape...
- Tristan Robreau
Titre un peu provocateur mais il faut bien dire que même si la qualité est présente, on atteint le ridicule dans la taille des proportions et l’industriel du service.

Le lièvre gourmand possède un art certain d’alterner le pire et le meilleur en un temps record.

Tout d’abord la réservation téléphonique à peu près aussi aimable que le standard du KGB entre les décès de Staline et Beria. Vous êtes pratiquement sommés d’arriver avant 12 heures 30. Pourquoi ? Parce que la Maison a mis en place un très intelligent système d’attente en salon afin de vous inciter à prendre un apéritif.
Comme je déteste qu’on me force la main, même si j’aime me faire plaisir, vous devez un peu vous doutez de mon sentiment. Et bing, 23 euros pour une flute de Champagne et un cocktail Maison. Assez bon mais dont le granité rend le liquide bien trop froid.

Prise de commande et quelques amuses-bouche bien faits, un foie gras, un saumon au tamarin ainsi qu’une mousse de betterave assez piquante.

Passage à table et déjà je râle. Ben oui, vous me connaissez ! Ma bouteille d’Auxey-Duresses est déjà ouverte. Euh, ben non, ça se fait pas. Je rappelle que l’une des règles de base du service est de présenter sa bouteille fermée au client et de l’ouvrir en sa présence. Ensuite, si vous voulez vous passer des convenances, libres à vous. Mais pas moi.

- Le lièvre gourmand Sel poivre
- Le lièvre gourmand Beurre huile graines
Services des deux premiers plats : nous sommes à l’ouverture de la chasse. En effet, le lièvre a l’air terriblement pressé. On se croirait au Bouillon Chartier. Plat posé, plat mangé, plat débarrassé et le suivant arrive dans la foulée. On n’est pas là pour tricoter !
Heureusement, il suffit de mettre le hola pour obtenir une vitesse de service correcte et digne d’un dimanche midi. Avec le désagrément de finir les derniers de la salle car tous les autres clients ont, eux, été expédiés.
Le service restera durant tout le repas globalement efficace mais complètement froid, non impliqué, distant. Aucune empathie, aucune discussion possible. On est proche de la serveuse automate.
Que reste-t-il de l’assiette ?
Indéniablement une excellente sélection de produits, un très bon travail.
On commence avec un très original (et petit) crabe entier en mue avec sa goutte de fumet de crabe sur son lit de daikon. Comme promis dans le menu, on est dans le grignotage.

Les deux (pas une de plus) noix de Saint-Jacques sont en deux versions, avec radis noir et vert. Alors ne vous laissez pas abuser par l’appellation “tempura” inscrite sur la carte. Aucune des noix n’est cuite selon cette méthode friture. Vous avez simplement quelques milligrammes (on dit perles pour faire plus élégant) de pâte à beignet qui sont négligemment posés sur les noix. C’est du tempura très très revisité…et microscopique.


Suit une exiguë verrine métallique d’excellents escargots (entre 4 et 5, une main suffit pour les compter). Ils sont incorporés dans un très fin flan de deux aulx. Un blanc classique, et l’autre noir.
Il faut savoir que l’ail noir n’est pas une variété particulière mais une classique gousse cuite pendant plusieurs semaines dans un milieu humide. Ils sont nappés d’une couche de liseron d’eau. C’est selon moi le plat le plus intéressant du repas.

Il était en concurrence avec le sandre mais celui-ci a subi un traumatisme désastreux.
J’ai un peu hésité sur les méthodes de cuisson. Ma première idée de salamandre était incompatible avec les quelques crêtes de brûlé sur la peau qui faisaient plus penser à un coup de chalumeau. Mais la cuisson complète des quelques centimètres cubes de chair laissait augurer d’un pochage en premier.
Toujours est-il que le coup de chalumeau fut trop insistant et a donné un goût désastreux au poisson. J’aurais dû renvoyer en cuisine mais l’ambiance générale ne prédisposait pas à un accueil aimable de mon envie. J’ai soulevé le point avec le directeur de salle…qui n’a pas répondu à mes interrogations. Débarrassage de l’assiette et “Au suivant !”

On atteint probablement l’oxymore culinaire entre le terme de cochonnailles imprimé sur la carte et une assiette de quelques grammes de pied et queue de cochon surmontés d’une (1!) feuille de coriandre vietnamienne. La portion est tellement petite que je ne sais plus très bien si elle avait du goût.

Le gyoza de boeuf est cordialement raté car sa pâte est élastique et bien trop grillée à sa base. Mais c’est très probablement ma faute puisque j’avais demandé un service lent (ou normal, enfin je ne sais plus très bien). La cuisine étant apparemment habituée à son rythme stakhanoviste, elle avait oublié de poster mon pauvre gyoza sur la parisienne dans l’attente de mon bon vouloir.

Sublime plateau de fromages, comme on en voit de moins en moins. L’honneur de notre beau pays. Et puis cela permet de se nourrir un peu et compense la légèreté générale du repas. Une bonne technique pour que les clients ne quittent pas le restaurant en se disant qu’ils ont encore faim…


Le pain est, comme le fromage, excellent.

Premier dessert qui nous fit penser que le chef se prend pour Magritte. En effet, l’appellation de tarte au citron est en contradiction frontale avec ce qui est servi puisque pas un gramme de pâte, mais un verre accueillant une crème de citron excellente agrémentée d’un sorbet à la citronnelle inexistant. De toute façon, essayer de combiner citron et citronnelle dans le même volume relève de la gageure. Ratée en l’occurence.

Soufflé à la mangue parfait. Blancs montés à la perfection avec une texture très fine sans aucune irrégularité. Comme le restaurant a une étoile Michelin, on pourrait être pointilleux et demander 30 secondes de cuisson en moins mais là, on entre dans l’appréciation de chacun sur la texture. Mais la portion est tellement petite, là aussi, que chaque seconde compte.


Salon au premier étage qui vous permet de prendre café et digestifs avec vue sur la Loire. Peintures murales un peu spéciales. Probablement quelqu’un de connu. Mais pas de moi.


Vous avez donc maintenant compris mon titre un peu provocateur.
Ce restaurant devrait d’abord changer de nom et s’appeler “Le lièvre gourmet” car votre gourmandise ne sera sûrement pas satisfaite en sortant de cet établissement. Les portions strictement ridicules du menu “Grignotage” à 77 euros vous laissent littéralement sur votre faim, même si on ne peut absolument pas nier la qualité des aliments et le travail effectué. Je ne vais pas vous faire le coup de “je suis allé au MacDo en sortant” car ce n’est pas le style de la maison, mais heureusement que le plateau de fromages était là pour combler l’estomac, sinon, c’était choucroute ou cassoulet le soir.

A cela s’ajoute donc un service ferroviaire, Transsibérien dans l’ambiance et TGV dans la vitesse, Shinkansen dans la linéarité.
Addition de 263 euros (oui tout de même !) pour deux adultes.

Date de la visite: 2018 Novembre

Tel: 00 33 2 38 53 66 14
Website: https://lelievregourmand.fr/
Adresse: 28 Quai du Châtelet, 45000 Orléans